C’est un fait : personne n’achète jamais une voiture au tarif annoncé. Le prix « à partir de » n’est jamais celui que les clients règlent en prenant livraison de leur auto. Jamais ? Nos enquêteurs ont fait ce qu’ils savent faire le mieux : ils ont enquêté et, après des investigations de plusieurs mois, ont enfin découvert un client qui a tenu à régler le prix affiché. Récit.

Jean-Michel (son prénom a été changé pour respecter son anonymat) n’en revient pas. Depuis ce jour où il est passé devant une splendide affiche 4×3 annonçant une auto splendide au prix de 16 400 euros (le prix a été changé pour de strictes questions d’anonymat), sa vie a changée. «Je n’ai plus pensé qu’à ça, et me suis précipité vers le premier concessionnaire ». Là, un vendeur se jette sur lui, le prend par l’épaule et lui ouvre la porte d’une voiture. La même que sur l’affiche. « Enfin presque ». Car le modèle dans lequel l’homme de la concession l’invite à prendre place est affiché à 25 000 euros (le prix a été changé pour de strictes questions d’anonymat). Le moteur ? « Plus puissant que le modèle « à partir de ». Et puis, il y a avait une clim, des vitres électriques partout, un GPS, et des bip-bip pour reculer. » Mais Jean-Michel n’a pas besoin de tout cela.

C’est à partir de ce moment-là que tout a basculé, lorsqu’il a demandé le modèle à 16 400 euros (le prix a été changé pour de strictes questions d’anonymat).« D’un seul coup, le vendeur a changé d’attitude. Il s’est mis à balbutier ». Des gouttes de sueur au front, le professionnel tente le tout pour le tout. « Mais, mais, il faut quand même rajouter la peinture métallisée. C’est 490 euros ». Jean-Michel va l’achever, d’une seule question. « Mais ça sert à quoi, la peinture métallisée ? » L’homme de l’art sèche et tente, dans un dernier espoir, un pauvre argument, « elle va briller si vous la prenez ». Voyant qu’il ne convainc pas son client, qui se moque de la brillance de sa future auto comme de la première caméra de recul, le vendeur insiste. « Au prix de base, vous aurez des manivelles en guise de lève-vitres. Et un tout petit moteur ».Pax manchot ni Fangio, Jean-Mi (appelons le ainsi), trouve que le minimum lui convient et veut signer le bon de commande. Le vendeur se liquéfie, d’autant que notre anonyme client veut payer cash. « Vous ne voulez pas un crédit ? Ni une LOA ? Mais comment je gagne ma vie, moi ? Vous savez que je touche une commission sur le prix de la voiture ? Et une plus forte encore sur son financement ? Alors, avec une auto basique, payée comptant, j’y trouve pas mon compte ». Jean Michel est bon gars, mais pas mère Teresa. Il veut bien rendre service, mais de là à débourser plus qu’il ne doit, il n’y tient pas. Alors il signe, non sans avoir été averti. « Vous savez, pour une auto comme ça, c’est 6 mois de délai mini. Fabrication spéciale. Personne n’en achète des comme ça ». Mais, en plus, Jean-Michel est patient.

Six mois plus tard, il se présente à la concession. Son auto à prix d’appel, il la voit de loin. La seule qui ne brille pas, c’est elle. Partant à la quête de son vendeur, il est pris à part par le chef d’atelier. « Il n’est plus là vous savez, depuis plusieurs mois. On a été obligé de l’envoyer à la MRVA (Maison de Repos des Vendeurs d’Autos, ndlr). On ne sait pas ce qu’il s’est passé. Mais il n’arrêtait pas de répéter qu’il fallait bien que ça arrive un jour, que quelqu’un finirai bien par acheter une auto comme c’est écrit dans la pub. Il était en boucle. » Jean-Michel est parti au volant de son auto mate. En quittant le garage, il a tourné sa manivelle et par la vitre baissée, il a sorti son bras, pour faire un signe amical au personnel de la concession.

Dédicace spéciale au Gorafi