Entre keynote d’entreprise et plaidoirie d’avocat, la conférence de presse de Carlos Ghosn, hier à Beyrouth, relevait de tout ce qui fait le sel économique et médiatique. Avec le talent de l’homme mais aussi avec ses maladresses : un ego surdimensionné et le sentiment d’être le meilleur des meilleurs.

C’est la série de l’année, avec les inévitables rumeurs et commentaires qui accompagnent tout évènement rocambolesque. Vous avez aimé l’arrestation de Carlos Ghosn ? Vous avez adoré son évasion ? Vous avez forcément plébiscité sa conférence de presse, en direct du Liban et sur toutes les chaînes info du monde. A-t-il signé un contrat avec Netflix ? S’est-il évadé du Japon dans une malle portée par des mercenaires ? A-t-il réussi sa prestation devant les caméras ? Personne n’en sait rien, mais tout le monde donne son avis. Alors je vais vous livrer le mien. Car, après tout, j’ai conduit un Renault Captur, et un Citroën Evasion, alors Dieu sait si je m’y connais en affaires judiridico-automobilistiques.
Carlos Ghosn : après lui, le déluge
On ne s’en prend pas au physique, mais quand même. Le grand Carlos, malgré quelques cheveux gris et une éternelle ressemblance physique avec Mr Bean semblait plutôt bien remis de son escapade. Quelques jours de repos, de mezze libanais et de grands vins de sa propre cuvée nous l’ont plutôt bien retapé. En forme physiquement, il l’était également mentalement, passant d’une langue à l’autre comme il sautait d’un continent à l’autre au temps de sa splendeur. En Anglais, en Français, ou en Arabe, il s’est tour à tour transformé en avocat, en prof d’économie et en consultant en bons conseils industriels. Et c’est peut-être là le problème. Car en deux heures, Ghosn a réussi à se mettre à dos à peu près toute la planète. Le gouvernement et la justice japonaise, évidemment, mais aussi l’ensemble de la direction de Nissan, ainsi que le gouvernement français, totalement ignoré et négligé et dont il dit n’attendre rien. Quant à la nouvelle direction de Renault, et notamment Jean-Dominique Senard, le successeur de Carlos, il a eu droit, sans jamais être nommé, à un costard sur-mesure pour affronter l’hiver. Le ratage de la fusion Renault-Fiat ? C’est Carlos qui a initié le mouvement et son successeur qui l’a loupé. Les pertes de Nissan et de Renault ? Le fruit de son départ. Après lui le déluge et la cata. Moi, moi, moi. Les autres ? Des ennemis ou des nuls, c’est selon. Seul Barack Obama semble épargné par la vindicte Ghosnienne, puisque le président américain aurait invité Carlos à prendre la tête de GM en faillite en 2008, ce que Ghosn a refusé, et l’a regretté hier.
Ce règlement de compte, est bien entendu une stratégie de défense concertée entre l’ex grand patron, ses avocats et Anne Méaux, sa communicante depuis le début de ses déboires. Sauf que cette stratégie a son revers : celui d’attirer à Ghosn plus d’ennemis que d’amis. Et lorsque l’on cherche à se disculper, la moindre des choses, c’est de disposer de quelques alliés.