Générer des PV et multiplier les recettes. Tels sont les objectifs des nouvelles voitures radars confiées à des sociétés privées. J’ai interviewé Maître Le Dall, avocat au Barreau de Paris, et spécialiste en droit des mobilités, pour savoir si ces autos étaient légales et quels étaient les recours possibles en cas de délit.

450 voitures radars banalisées fin 2021

Panique sur les routes de l’Hexagone. La France, avant-gardiste en matière de radars, inspiratrice et exportatrice de son « savoir-faire » à l’étranger, remet le couvert avec ses voitures radars banalisées. Si les Renault Megane, les dinosaures de ce type de radars, avaient échoué à rentabiliser le système tant elles étaient voyantes, les nouveaux modèles qui déboulent seront, pour leur part, impossibles à identifier. Ce sont les véhicules de Monsieur et Madame Tout-le-monde (Type Peugeot 208 ou VW Golf), qui sillonneront les routes au rythme effréné des 3 X 8, dimanche et jours fériés compris. Ecologique ? Pas vraiment. Car des autos électriques ne pourraient parcourir la distance exigée pour piéger les conducteurs. Mais ce qui compte, c’est bien de faire recette en amortissant aussi à la fois le mazout et l’entretien utilisés par ces pièges anonymes sur roues. Et pour cela, selon le projet de loi de finances pour 2021, 450 voitures banalisées seront opérationnelles d’ici à la fin de l’année.

« Pour multiplier les PV, l’Etat entend jouer sur la cacophonie des routes nationales »

Compte tenu de la marge d’erreur technique plus importante (+- 10km/h) de ces voitures banalisées, Maître Le Dall pense qu’il s’agit de « se concentrer sur les excès de vitesse plus importants ». Comment ? « En faisant naviguer sur les autoroutes et routes secondaires, des véhicules banalisés qui ne flashent pas et qui sont donc très difficilement détectables. Mais aussi en jouant sur la cacophonie des 80/90 km/h des routes nationales. Certaines sont repassées à 90 km/h, d’autres non et l’automobiliste s’y perd facilement ». Maitre Le Dall souligne aussi que ces opérateurs privés vont encore une fois « se focaliser uniquement sur la vitesse qui est, certes, un facteur aggravant, mais que d’autres facteurs favorisent l’insécurité routière alors que que 85 % des excès de vitesse sont de -10km/h » (et 95 % de moins de 20 km/h) ». L’Etat se concentre donc uniquement sur la répression de la vitesse et plein de petits points seront ainsi perdus.

Voitures radars : validité du système et recours

« L’externalisation vers des opérateurs privés est légale, explique Maître Le Dall. Mais il faudra vérifier de plus près encore les clichés émis par ces autos banalisées. Il faudra également s’assurer des conditions de verbalisations« .

Bien sûr, ces voitures radars confiées au secteur privé, posent une question éthique : seuls les opérateurs rentables verront leur appel d’offre renouvelé. L’objectif « moins de morts sur les routes » semble en cela relégué au second plan et la notion d’automobilistes piégés plus évident. De plus, le contexte de prise de décision est particulier : avec les nouvelles normes CO2, tout un pan du parc automobile va devoir être renouvelé et le taux de chômage, en raison de la pandémie, est particulièrement élevé ces derniers temps. Un choix politique de « terreur policière » difficile à expliquer alors qu’il y a également un regain pour les transports individuels face aux risques sanitaires pris en empruntant les transports en commun et que la revendication des gilets jaunes, il y a deux ans à peine, n’étaient autre que le prix de l’essence, des taxes, des péages et des radars…

Une affaire juteuse pour l’Etat en déficit suite à la détérioration de radars fixes et même tourelles ? Affirmatif. Selon les premières estimations, on passerait de 1,5 million de PV par an pour excès de vitesse à 12 millions. Avec un tarif allant de 45 et 90 euros l’amende, la Ligue des conducteurs table sur 810 millions d’euros de recettes pour les caisses de l’État, soit l’équivalent de ce qu’a rapporté en 2019 l’intégralité des radars. 

Conclusion de CharlotteAuVolant : pas de doute, la France a un réel savoir faire dans le luxe, la bouffe et… les radars.