Personnalisation des voitures : mauvais tuning ou bouffée d’air frais ? La personnalisation, c’est le truc à la mode. Depuis quelques années, ça fait un tabac. Les stickers, les teintes multiples et les accessoires flashy envahissent les carrosseries et les intérieurs des voitures. Tuning pour happy few ou alternative crédible pour échapper au gris des voitures et du monde qui les entoure ? Les avis sont partagés. Quel est le vôtre ?

Personnalisation voiture

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Pour

Manifeste contre la grisaille

Suffit de se rendre sur un parking d’hypermarché un samedi après-midi et de tenter de retrouver sa voiture. Elle est grise, comme toutes les autres. Gris métal ou gris anthracite. Gris tungstène ou aluminium. Les extrémistes, qui ne sont pas légion, opteront pour un blanc banquise ou un noir dark. Heureusement, la télécommande permet au conducteur perdu au milieu des clones de reconnaître son aiguille dans l’immense botte de foin automobile. Grâce à dieu, elle clignote en signe de reconnaissance. L’époque est au ciel gris, à la conjoncture grise et aux voitures grises. Un trio esthétiquement cohérent, mais moralement plombant. Autant dire que la personnalisation qui a déboulé, il y a déjà quelques années, dans ce monde sans couleur, a redonné un sacré baume au cœur aux déprimés du compteur. D’un coup de baguette magique, les autos se sont transformées en arc en ciel. Les Fiat 500 et les DS3 rivalisent d’audace. Une battle de couleurs et de stickers s’est engagée. La mienne sera encore plus différente des autres que la tienne. La sienne plus exubérante que la leur. Certes, parfois ça dérape. Evidemment, certaines extravagances lorgnent plus du côté du Macumba de la Motte-Beuvron que de la Villa Médicis de Rome. Et alors ? La vie est composite et sa saveur est dans le mélange d’une culture élitiste et de loisirs de bastringue. Et nos voitures sont dans la rue, dans le paysage et dans nos vies. Pourquoi devraient elles rester uniformes ? Pourquoi ne nous ressembleraient elles pas ? Trimballant nos défauts et nos qualités ? Par un excès de pudeur, pour ne pas montrer de quel bois on se chauffe, on devrait se cacher dans de sinistres autos qui se ressemblent. C’est terminé.

La personnalisation de nos autos, c’est le coming out de nos différences

La personnalisation de nos autos, c’est le coming out de nos différences. Plutôt que de freiner, accélérons. Plutôt que de s’en tenir aux deux couleurs proposées sur une Renault Captur, allons plus loin. Que ceux qui ne jurent que par Céline (Louis-Ferdinand) affichent une décalco à l’effigie de l’hermite de génie sur le capot de leur DS3. Et que ceux qui raffolent de Céline (Dion) décorent leur Fiat 500 aux couleurs de Las Vegas. On exagère ? Pas beaucoup plus que tous ceux, et ils sont encore majoritaires, qui, en petits comptables gagne-petit, s’offrent des autos grises, parce que la valeur de revente de leur voiture en sera meilleure. Tous ceux qui repeignent nos villes d’une couleur uniforme et Nord-Coréenne. On ne peut plus rouler au-delà de vitesses de plus en plus réduite, on ne peut plus se garer ailleurs que dans des parkings de périphérie loin de la splendeur des villes, on ne pourra bientôt plus fumer au volant, ni parler en conduisant, avant que de ne plus pouvoir conduire du tout, déléguant ce plaisir à un ordinateur de bord. Pour couronner ce tout aliénant, il faudrait en plus que chacun se déplace dans une monture d’une même couleur. Une sextuple peine que personne ne mérite.

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Contre

Au secours, le tuning revient

Quelle mouche peinturlurée et accessoirisée a piqué les conducteurs et surtout trices ? Voilà que depuis quelques années, pas une Fiat 500, Mini, Citroën DS3 ou Renault Captur n’ose s’afficher dans une version sobre, juste affublée d’une couleur passe-muraille, entre gris clair et gris foncé. Au minimum deux teintes doivent désormais cohabiter pour qu’une auto entre des quatre roues dans les standards esthétiques de l’époque. Deux teintes qui doivent obligatoirement être les plus contrastées possible. Le rose camping-car de Barbie épouse le noir gothic suicide qui lui-même se marie parfaitement avec le jaune mayo, ou le vert laitue. Et quand, par inadvertance, on croise un engin gris, ils se doit d’être mat, rehaussé de touches couleur rouge beaujolais nouveau – framboise écrasée. Mais il ne s’agit là que des versions les plus sobres. Car les aventurières du pot de peinture osent tout : du drapeau anglais peint sur un toit par ici, aux rétros aux calligraphies mahorais par là en passant par les autocollants Carambar sur les portières. En l’espace de cinq ans, le mot d’ordre lancé par les services marketing des constructeurs a envahi les parkings. Ca y est : la personnalisation a gagné le cœur des acheteurs(ses) et les fonds de caisse des constructeurs. Car toutes ces couleurs différenciées coutent un paquet d’euros. Chez Citroën, les coques de rétroviseurs « gravées lasers » coûtent 1210 euros. Même tarif pour un autocollant  de toit. Chère la décalco. Aussi chère que les spoilers-jupes-boucliers-bas de caisse qui habillent la bonne vieille auto des Jacky dont on s’est tant moqués et qui font monter le son à la sortie du Pim’s Club tous les vendredi soir sur leur sono de 7000 w.

Cette affaire de personnalisation n’est rien d’autre que du bon vieux tuning revisité par les beaux quartiers

Car finalement, cette affaire de personnalisation n’est rien d’autre que du bon vieux tuning revisité par les beaux quartiers. Un tuning de riches en opposition à celui qui consiste à maquiller une vieille guimbarde, à l’affubler d’un aileron grand comme une planche à repasser et d’une sortie de pot d’échappement découpée dans une vieille boite de cassoulet. Le tout étant destiné à transformer une citrouille VW Polo diesel millésime 83 en carrosse de course. C’est toujours une Polo, mais elle est maquillée comme celle qui court en championnat du monde des rallyes 2014. Pour le bruit, on n’est pas loin, mais pour les performances beaucoup moins.

skoda-yeti-xtrem-800xCes deux mondes, celui du bon vieux tuning et celui de son pendant huppé devaient bien finir par se rencontrer. C’est chose faite depuis un an ou deux sur les rives d’un joli lac autrichien. A Worthersee, dans une petite paire de jours, les tuneurs de toute l’Europe vont débarquer avec leurs GTI boostées et discrètes comme les camions de la parade du cirque Medrano. Mais depuis peu, les constructeurs viennent officiellement y exposer en exclusivités leurs « plus belles » réalisations. Comme Skoda avec son Yeti Xtreme. C’est bel et bien le sobre SUV du tchèque du groupe VW. Sauf qu’il se retrouve affublé d’un toit et de jantes repeintes au Stabilo fluo. A l’intérieur, quatre baquets remplacent les moelleux sièges d’origine. Les vitres sur teintées font ressembler la voiture à l’escorte surarmée qui suit de près les déplacements de Barack Obama. Et ? C’est à peu près tout. Chez le cousin VW, c’est la très sage Golf qui s’y colle, avec une version de 500ch de cette compacte familiale juchée sur des trains larges comme des promesses électorales. Indispensable. C’est un prototype, évidemment.

Pourquoi ces marques là ? Et pourquoi dans ce rassemblement ? Skoda et VW, curieusement, n’ont pas encore sauté à pied joint dans la mode de la personnalisation à tout prix (malgré quelques tentatives avec la Coccinelle). Mais ce coming-out autrichien est évidemment destiné à marquer leur entrée dans ce domaine du (bon ?) goût automobile. Car par les temps de disette qui courent dans l’automobile européenne, il n’y a pas de petits profits.

Colas