C’est un moment que tout le monde attend, celui de la liberté retrouvée. Le scénario sera-t-il celui d’une bluette ou d’un thriller ? Charlotte au volant a choisi pour vous.
Bien sûr qu’on y pense tous. Évidemment qu’on s’y voit déjà. On se refait le film tous les soirs. Et il commence toujours de la même façon. Sur fond de Marseillaise. Le président de la République apparaît à la télé un samedi soir et nous explique que la guerre est finie et que ça y est, le confinement est terminé, que dès demain dimanche midi on va pouvoir s’égayer. On sera le 25 avril, le 29 mai, ou le 29 août, selon que l’on soit joyeusement optimiste ou méchamment pessimiste, mais cette allocution finira bien par être dite. Et on s’y voit déjà. Le lendemain matin, on tentera de démarrer nos bagnoles, à coups de chargeurs de batteries s’il le faut, on passera un coup de flotte sur nos pare-brises encombrés de pollen et de sable rouge du désert importé jusque dans nos contrées par un coup de vent complice du réchauffement climatique. Le président a dit midi ? A 11h59, toute la famille est en voiture, direction la guinguette au bord de l’eau. Le premier repas en terrasse de l’année. Tout le monde se réjouit et 1 minute plus tard, en route vers le grand voyage. On est content de rouler, ravit de faire plus de 2km, épaté de sortir sans l’attestation de déplacement dérogatoire. On est content, pendant cinq minutes et 4km, jusqu’au premier bouchon. La route est un parking. Toutes les voitures sont à l’arrêt. « Tu l’avances ton tas de tôle, bouffon ? ». Les gens bienveillants pendant le confinement, les rois des #prenezsoindevous et leurs compères les #restezchezvous se déchaînent déjà, quelques minutes seulement après la fin du couvre-feu. Tout le monde est sorti. En même temps.
Mais rien n’est grave dorénavant. Insouciants, toutes fenêtres ouvertes, on apprécie le printemps, le début ou la fin de l’été (cochez les cases correspondantes). Pendant le confinement, les oiseaux chantaient dans le silence de la nature, dorénavant, les klaxons chantent dans le bruit du déconfinement.
Deux heures plus tard, la guinguette est en vue. De loin. Le parking est saturé et les déconfinés sont garés sur le bas-côté. Les derniers arrivés se garent à trois kilomètres de la première table. Une table ? Il y en a une de dispo, vers 16h30. Le temps de déjeuner-goûter d’un repas froid, « désolé mais le cuisinier est parti », et nous voilà parti nous aussi, dans le même bouchon mais dans le sens inverse. Arrivés à la maison, fourbus, on se pose sur le canapé, devant un diner bricolé. La soirée se passe. La même soirée que celles qui se sont déroulées durant les longues semaines claquemurées.