C’est sur un rallye de légende que j’ai rencontré une femme de légende. Le rallye ? c’est le tour de Corse. La légende ? Fabrizia Pons, l’une des copilotes les plus palmées de la discipline. Elle a occupé le baquet de droite aux côtés de Michèle Mouton, d’Ari Vatanan et d’autres grands du rallye. C’est à l’arrivée de la deuxième journée de l’épreuve française du WRC, à Corte, que j’ai rencontré la grande dame. Entre des concurrents épuisés qui garaient leurs autos et des mécanos qui s’activaient à les retaper que nous avons échangé quelques mots. Des femmes dans la course auto, à l’avenir du championnat du monde des rallyes, elle m’a tout confié.
Fabrizia Pons, la femme du baquet d’à côté
« Elle tournait le volant et moi je tournais les pages. C’est normal que ce soit elle la vedette« , s’amuse Fabrizia Pons, celle qui a gagné une manche de championnat du monde de rallye en tant que copilote de Michèle Mouton. C’était en 1981. Et depuis, aucun équipage féminin n’a plus jamais remporté un tel titre. Qu’avaient-elles d’exceptionnel ? « Une voiture qui pouvait jouer la gagne (ndlr, Audi) et un coup de volant, celui incroyable de Michèle« , confie Fabrizia avec son petit accent italien. Avant de poursuivre : « Il n’y a pas de réplique de Michèle jusqu’à présent« . Trop souvent dans l’ombre, les copilotes racontent leurs victoires avec humilité. « Pendant 5 ans, nous avons remporté beaucoup de titre avec Michèle Mouton. On a gagné en Grèce, au Brésil, au Portugal, en Italie…« . Pour les anecdotes, il faudra repasser : derrière ses lunettes et son sourire passent des milliers d’histoires, mais Fabrizia ne sait laquelle chose : « On en a vécu tellement. C’était fou« . Idem pour sa biographie. Les copilotes n’aiment pas jouer aux stars. « Je faisais beaucoup de Motocross et suite à un grave accident où l’on devait m’amputer le pied gauche, on m’a dit qu’il fallait vraiment que j’arrête. Il me fallait trouver autre chose avec un moteur. J’ai choisi la voiture. Et très rapidement le copilotage« .
Si Michèle Mouton a arrêté de piloter en 1986, après un titre de championne d’Allemagne avec Peugeot Talbot Deutschland (copilote l’anglais Terry Harryman), et l’annonce durant le Tour de Corse de la fin des voitures du groupe B, Fabrizia Pons, elle, continue d’être copilote notamment pour les championnats d’Europe de voitures historiques. Malheureusement, un accident lors d’un rallye en Avril dernier l’a gravement blessé au niveau du dos. « Ce n’est pas grave, je fais tout pour me soigner et revenir« , annonce avec une voix douce Fabrizia. Une voix qui devait canaliser Michèle Mouton, la première femme pilote professionnelle, qui aura totalisé 229 points en 50 courses WRC, étalées sur 14 années et qu’on surnommait « La Lionne » ou « Le beau volcan noir ».
Hyundai, champion du monde en 2016
Fabrizia Pons adore la Corse. « En tant que pilote à l’ancienne, j’aime quand il faut avoir du feeling et que les routes sont étroites« . Que pense-t-elle des pilotes modernes ? « Ils n’ont pas l’habitude de changer d’hôtel tous les soirs comme sur le Tour de Corse, ils préfèrent un certain train train. Je crois qu’il faut un peu les bousculer. Ca leur fait du bien« . Son pilote fétiche ? Hayden Paddon qui court avec Hyundai sur le Tour de Corse 2015. « Il a un talent naturel extraordianaire. C’est un pilote super dédié à ce qu’il fait. Je crois en lui. Et en Hyundai aussi. Le constructeur peut être champion du monde l’an prochain avec la nouvelle i20 2016« .
Pour les femmes pilotes ou copilotes dans le monde automobile, Fabrizia Pons a moins d’espoir : « Il faudrait qu’il y ait autant de femmes que d’hommes qui se mettent au rallye pour qu’il y ait une chance qu’au moins une d’entre elles sorte du lot »…
