Elle est de toutes les conversations. Mais la voiture propre l’est-elle réellement ? L’auto électrique, dont la généralisation est désormais inéluctable est-elle le garant d’une planète préservée ? Dans son livre « L’arnaque de la voiture propre« , l’ingénieur et journaliste Nicolas Meunier explique que l’industrie et les pouvoirs publics sont loin du compte. « La voiture vraiment propre, c’est le vélo », sourit-il. J’ai posé quelques questions à l’auteur de l’ouvrage dont le but n’est pas de dénigrer la voiture électrique, mais de faire le point sur ses qualités et ses défauts.
–Ton livre est un constat d’aujourd’hui. Mais comment vois-tu les choses dans 15 ans ?
« J’ai tendance à penser que dans 15 ans, quand les voitures thermiques seront interdites, on aura d’autres auto qui rendront des services. D’un point de vue technologique, les voitures électriques pourront rendre à peu près les mêmes services que les thermiques d’aujourd’hui, grâce aux batteries solides ou au graphène. On pourra les recharger en 5 minutes et elles pourront offrir 1000 km d’autonomie. Le Gac Aion V, un SUV électrique compact chinois, arrive. Et il se charge en seulement 8 minutes grâce à une puissance de recharge allant jusqu’à 481 kW. Ce qui m’inquiète c’est le prix de cette révolution technologique ? Chaque génération d’auto électrique rendra la précédente obsolète. Et leur valeur résiduelle va sévèrement chuter. Ça va coûter très cher à tout le monde.
« Compliqué d’atteindre la neutralité carbone »
–Que penses-tu des voitures à hydrogène ?
La base pour élaborer une voiture propre, c’est de consommer le moins d’énergie possible. Or, la technologie à hydrogène a un mauvais rendement. Plus le processus est compliqué, moins c’est neutre en carbone. Alors autant utiliser l’électricité directement. Sur le papier, les constructeurs annoncent souvent de belles usines neutres en carbone. Mais dans les faits, on ne résout rien du tout. Bentley, par exemple, élabore ses moteurs en Allemagne et la carrosserie en Slovaquie. Quand on prend en compte l’ensemble de la chaîne, en incluant notamment les fournisseurs, on voit bien qu’on est loin de la neutralité carbone. On s’aperçoit aussi que les autos sont de plus en plus lourdes et qu’elles exigent donc forcément plus d’énergie cinétique pour se déplacer. Le rendement d’un moteur thermique est d’environ 30%. Celui d’une électrique de 90%. Mais en prenant en compte la centrale à charbon, à gaz ou nucléaire qui produit cette énergie, on arrive à un rendement équivalent à celui d’un moteur thermique.
Nicolas Meunier : « Il y a un flou volontaire sur l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 »
–Une politique radicale pour la seule Europe peut-elle régler les problèmes mondiaux ?
Mener une politique radicale en Europe, c’est traiter une toute petite partie du problème. Et une récente étude a même expliqué que si l’on remplaçait aujourd’hui toutes les autos thermiques en Europe par des voitures électriques, on ferait baisser seulement de 1% les émissions mondiales. En outre, l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 n’est qu’un projet de loi. Est-ce que cela signifie que les autos hybrides seront encore autorisées ? L’hybride sera-t-il considéré comme thermique ? Je pense qu’il y a un flou volontaire pour que les politiques puissent rétropédaler après cette annonce forte.
Voiture propre : « Il n’y a aucune solution miracle »
–La problématique semble très (trop ?) complexe et beaucoup plus globale ?
Oui, en effet. Les discours politiques doivent être simples mais les problèmes sont compliqués. D’abord, à quel problème faut-il trouver une solution ? A celui de la santé publique et des centres-villes ou au réchauffement climatique au niveau planétaire ? Sachant que le temps politique est de 5 ans et le temps de l’industrie de 15 ans. Beaucoup de contradictions. Et aucune solution miracle.
–Se tromperait-on de combat ?
Disons que la solution n’est pas forcément dans l’automobile : les gens ont besoin de circuler et ils ne se collent pas dans des embouteillages pour le plaisir. Il faudrait mener une réflexion bien plus large que celle liée uniquement à l’automobile, notamment en matière d’urbanisme en approfonissant les pistes du télétravail et du lieu résidence-boulot. Notamment… »