Cap sur ma chronique Honda Civic 2017 dans les pages du Moniteur Automobile du mois de Mai 2017.
En entrant dans mon bureau, il affichait un air solennel que je ne lui connaissais pas. « Dis donc, Anne-Charlotte, j’espère que tu as voté pour la présidentielle» m’a fait le chef. En temps qu’émigrée française, je ne suis pas soumise au vote obligatoire comme les belges. Et le boss est tatillon là-dessus. Rassuré sur mon sens du civisme, il me tend les clés d’une Civic. « Alors tu as mérité de l’essayer. » Le pire c’est que j’ai pris ça comme un cadeau que sa sainteté m’aurait fait. Car la Civic, c’est une Honda, une auto de mécano, une caisse d’ingénieurs, conçue par des nippons qui savent y faire.

Depuis 1972, elle se trimballe partout dans le monde avec ses petits moteurs V-Tec qui envoient les watts et ses Type R qui pètent le feu. Et c’est avec un souvenir ému que je me souviens de ce soupirant qui se coiffait bien avant de se confondre en politesses balbutiées pour me cueillir chez mes parents et jouer au pilote dans les ronds-points. Non, ce n’était pas avec la première version qui venait d’être commercialisée bande de goujats. Bien sûr, le constructeur japonais s’est un peu égaré depuis.

Pourquoi diable avoir embauché Goldorak en 2006 pour dessiner la Civic ? S’en sont suivi dix ans des tarabiscotages mangas, d’angles inutiles et d’intérieurs de vaisseau spatial. Mais aujourd’hui Goldorak pointe au chômage et la 10e version de cette Honda est plus sage. Enfin si tant est que l’on puisse considérer qu’une carrosserie nippone réponde à cette définition. A l’avant, l’affaire partait gagnante. La nouvelle Civic a piqué la calandre de la NSX qui, si elle ne risque pas de finir au rayon chef d’œuvre de l’automobile, a le mérite d’être sobre. Trop pour les Japonais qui l’ont affublé de deux grandes prises d’air totalement factices. Pourquoi ? Surement pour figurer au casting de Fast & Furious 10 qui sera sobrement sous-titré « le retour de la pompe à feu qui déchire sa race ».
L’arrière est du même bon goût : certaines versions sont affublées d’une double sortie d’échappement qui renvoie une Nissan GTR au look d’un monospace familial. Mais passons sur un look, disons, clivant, pour sortir le mètre ruban. La Civic, depuis 45 ans, c’est une compacte, une polyvalente jouable en ville et capable en campagne. Mais la nouvelle, avec ses 4,52m veut se la jouer berline, l’effrontée. Du coup, on se dit qu’à l’intérieur, c’est vastitude et grands espaces. Que nenni. Les nippons sont farceurs. Les passagers arrière ne sont pas installés au grand large, mais dans un espace mesuré : celui d’une compacte. En fait c’est le coffre qui profite. Avec 478L, il détient même le nouveau record de la catégorie. A son bord, mon soupirant de l’époque aurait pu m’emmener en vacances en Toscane, moi et mes valoches, au lieu d’essayer de me la jouer coup de la panne sur le parking du supermarché déserté. J’avoue avoir été quelque peu vexée en apprenant des années après, qu’une Honda tombait rarement en panne. En tous cas, celle que je conduis aujourd’hui n’en est pas là. En m’installant à bord, je remarque surtout que les excès façon cockpit de Star Trek de la Civic 9 ont été priés de se faire oublier. A la place, règne la sobriété. Et si les plastiques utilisés sont souvent durs, ils sont parfaitement assemblés. Sur le tableau de bord, le compteur de vitesse grimpe, et plutôt vite fait. On est bien chez Honda et les deux moteurs essence disponibles au lancement (un diesel complètera la gamme à la fin de l’année) sont aussi sobres que vaillants.
Même le riquiqui trois cylindres 1L de 129ch est piaffant. Évidemment, il faut le relancer gentiment, mais sa bonne volonté et sa sobriété (il se contente de 7L/100km sans sombrer dans l’éco-conduite) feront taire les rageux. Quant à son grand frère de 1.5 L de 182ch, non seulement il ne réclame qu’un petit litre de sans plomb supplémentaire, mais grâce à son couple généreux, il fait parfaitement l’affaire. Surtout qu’il est adossé à une transmission qui n’est pas une simple boite mécanique, mais un chef d’œuvre d’horlogerie. Du velours on vous dit, à l’étagement et au guidage exemplaires, tout comme les trains roulants, confortables et sereins. Bien sûr, la direction n’est pas une référence du genre, évidemment l’arrière totalement rivé au sol séduira plus les adeptes de la sécurité que les pilotes du dimanche, comme mon ex-soupirant. Mais les premiers sont beaucoup plus nombreux que les seconds (pilotes, pas soupirants, non mais). Les premiers apprécieront également l’armada d’aides à la conduite (alerte de franchissement de ligne, freinage d’urgence automatique, etc…). Quant aux seconds, ils se contenteront de soupirer.