C’est peut-être l’auto dont l’existence aura été la plus courte du monde. Une petite semaine seulement après avoir été lancée en grande pompe, l’Alfa Romeo Milano n’est plus. A sa place, sa remplaçante a été révélée hier en fin d’après-midi et elle s’appelle Junior.
Il s’agit bien sûr de la même auto qui a simplement changé de nom. Mais pourquoi cette volte-face subite ? Pourquoi cette décision, prise rapidement par Carlos Tavares ce week-end comme il l’a expliqué hier ? En fait, c’est une histoire très italienne, où se mêle business et politique, faux semblants et gros sous.
La semaine passée, le gouvernement de Giorgia Meloni, par la voix de son ministre de l’industrie Adolfo Urso, s’est insurgé contre le nom de l’auto, estimant qu’il était illégal. Pourtant, Alfa Romeo est une marque on ne peut plus italienne, et historiquement basée à Milan. Sauf que ce modèle précis est fabriqué en Pologne, et plus précisément à Tychy. Le ministre s’est appuyé sur une loi destinée à éradiquer les délocalisation et il tient là son cheval de combat.
Mais cette attaque frontale envers Stellantis (Alfa appartient à la galaxie de 14 marques) n’est que l’une des batailles de la guerre que livre le gouvernement italien au groupe qui s’est offert Fiat et les bijoux de famille de l’automobile italienne il y a deux ans. La première ministre n’a visiblement pas accepté cette fusion et reproche depuis des mois à Carlos Tavares de ne pas investir suffisamment dans son pays, lui préférant la France ou les pays de l’est. L’affaire du SUV Milano est donc une première victoire pour elle.
Un changement de nom qui pourrait nuire aux ventes
Reste que le changement de nom pourrait aussi nuire aux ventes de l’ex-Milano et donc dégrader l’image d’Alfa et de l’Italie en général. Car elle touche une marque dont la fabrication reste italienne pour tous ses autres modèles. En plus le Junior doit, à terme devenir le best-seller d’Alfa Romeo, puisqu’il s’agit d’un SUV d’entrée de gamme destiné à des volumes de vente plus importants que le Tonale, autre auto de la maison, plus grande et plus chère.
Mais pourquoi un simple changement de nom pourrait-il nuire à l’image de marque du constructeur italien ? Car, d’une part, il témoigne pour le moins d’un cafouillage de la direction qui n’était pas censé ignorer la loi, et que, d’autre part, le nom « junior » pour sympathique qu’il soit, ne reflète pas l’image premium qu’Alfa souhaite se donner.
Ce nom est hérité d’une Alfa des années 70, la Giulia GT Junior. Une remarquable auto certes, mais à cette époque, la marque se voulait plutôt abordable et ne souhaitait pas rivaliser avec les Audi, BMW et autres Mercedes. Ce qui est le cas aujourd’hui, du moins par ses tarifs.
Du coup, on ne peut que souhaiter longue vie à une auto née dans la douleur et l’incertitude, en espérant que si, d’aventure, les dirigeants d’Alfa envisagent un jour de créer une version rallongée de la Junior, il ne l’appellent pas Senior.